AccueilMise en avantInterview exclusive avec Yannick Alléno

Interview exclusive avec Yannick Alléno

Rencontré à l’occasion du festival de gastronomie Tocquicimes à Megève, le chef multi-étoilé Yannick Alléno se confie avec humour, sagesse et bienveillance.

Comment gérez-vous vos nombreux établissements et vos 15 étoiles Michelin ?

Je suis structuré évidemment car je ne fais pas tout cela seul. J’ai une équipe incroyable autour de moi et je crois qu’ils deviennent meilleurs que moi au fur et à mesure des années, donc je vais bientôt pouvoir prendre ma retraite !

Parlez-nous du restaurant Le 1947 à Courchevel.

À Courchevel, j’ai fait l’ouverture du restaurant en 2008. Il se trouve dans un hôtel exceptionnel. D’ailleurs, je ne suis pas sûr qu’on puisse parler d’hôtel tant il est différent de ce qu’on connaît. Dans cet établissement qui appartient à M. Bernard Arnault, on a créé un restaurant qui s’appelle Le 1947 et qui a juste cinq tables. C’est un trois étoiles et on fait en moyenne 12 couverts par jour.

Le 1947, Courchevel

C’est une sorte de laboratoire de recherche pour moi. C’est là qu’est née toute la cuisine que je procure aujourd’hui à Paris, comme les nouvelles sauces. J’y ai fait un travail sur les extractions, la cuisson à la juste température des légumes, additionnée d’une réduction à froid et liquide, ce qui donne des sensations culinaires exceptionnelles… Et donc, c’est là-bas que j’ai mis au point ce système-là. Il fait aujourd’hui beaucoup d’échos dans la cuisine française.

« Les grands classiques sont toujours d’avant-garde. Je pense que l’extraction sera un classique demain. »

 

Yannick Alléno

Vous avez aussi fait un travail inédit sur les fruits confits ?

En effet, j’ai inventé les fruits confits sans sucre ! Le dernier qui avait travaillé les fruits confits, c’était Nostradamus en 1555 ! Et, depuis, personne n’avait repensé la façon de conserver du fruit sans apport de frigo ou d’énergie. Donc j’ai retravaillé sur le confit, qui est évidemment un pan de la cuisine française exceptionnelle. Je l’ai fait sans sucre avec de l’eau de bouleau. Cela donne une fraîcheur de goût exceptionnelle, quelque chose de nouveau.

Et une nouvelle marque de chocolats sans sucre, aussi ?

Absolument, cette marque c’est Alléno & Rivoire. Ce chocolat est à base de sucre naturel, extrait du bouleau. On fait réduire l’eau extraite de l’arbre à froid jusqu’à obtenir la cristallisation de cette eau qui contient énormément de bienfaits. Donc on a un taux glycémique de 7% versus 100%.

Et quand on sait qu’il y a 10% de la population mondiale qui est diabétique, vous voyez, ils peuvent tous venir chez moi, je vais finir riche (rires).

Comment travaillez-vous en cuisine, concrètement ?

J’ai toujours une conversation avec le produit, c’est-à-dire que c’est le produit qui me parle et je le travaille en fonction de ce que je reçois, de ce qu’il me donne, de son énergie. Je crois beaucoup à l’effet tellurique des produits.

Une Saint-Jacques, ce n’est pas simplement une Saint-Jacques. Une Saint-Jacques de la Baie de Seine et une Saint-Jacques de Norvège, ça n’a rien à voir. Ce ne sont pas les mêmes produits. Je les travaille donc différemment.

Une destination qui vous a particulièrement marqué ?

Le Japon est très marquant pour moi. J’ai fait mon premier voyage en 1988 à Sapporo. Je suis parti trois semaines. Et quand je suis revenu, je n’étais plus le même…

La culture japonaise est particulière. C’est une nation extrêmement moderne. Ils ont réussi à monter les curseurs de la modernité très haut, mais à la fois, ils ont réussi à garder l’essence même de qui ils sont et ils ont préservé leurs traditions. Et ça c’est rare.

Ce qui est aussi fascinant au Japon, c’est qu’il y a des restaurants de spécialités. Un chef qui va faire du sushi, il ne va pas changer de spécialité du jour au lendemain. Il va chercher le meilleur de ce qu’il sait faire là-dedans et il ne va pas faire autre chose. C’est pour cette raison que c’est l’un des pays les plus étoilés au monde.

Vous vous êtes engagé dans une cause suite au décès de votre fils Antoine…

En effet… Déjà, j’invite tout le monde à regarder l’Instagram de l’association Antoine Alléno (@associationantoinealleno). Mon fils nous a quittés, il y a un peu plus de deux ans maintenant, suite à un homicide routier. Il a été percuté par derrière par un voleur de voiture. Il n’a pas eu de chance, il est mort sur le coup.

Et depuis, je me bats pour aider ceux qui restent. Parce que quand il arrive un drame comme ça dans une famille, on ne se rend pas compte des dégâts que cela produit dans la société. Quand un enfant part, ce sont les frères et les sœurs qui souffrent. Ils sont généralement dans la double peine puisque les parents sont dans une tristesse absolue et on les comprend.

Et parfois, ils oublient peut-être de regarder les autres enfants qui sont encore là… Nous, on est là pour s’occuper de ceux qui restent, pour les aider psychologiquement, et financièrement si besoin. Voilà, donc on a aidé plus de 100 familles déjà depuis deux ans. C’est trop. On agit aussi pour faire changer les choses, changer la loi, changer les comportements. Dans le monde, c’est 1 900 000 personnes qui meurent de la route par an dont 30% de jeunes. Donc, je pense qu’il faut que la planète se mobilise. Il faut qu’on fasse comme pour l’épidémie du SIDA. Vous avez vu les résultats ? On a eu seulement 134 morts l’année dernière du SIDA… On peut considérer que l’épidémie a été contrôlée.

Rédigé par

Saliha Hadj-Djilani
Saliha Hadj-Djilanihttps://www.instagram.com/salihalajournaliste/
Rédactrice en chef du magazine Escapade, digital nomade, podcasteuse et globe-trotteuse invétérée, j’ai une passion pour le voyage et la découverte de nouvelles cultures depuis ma plus tendre enfance. J’ai une préférence pour les villes vibrantes cosmopolites et les destinations nature ensoleillées

Retrouvez notre magazine

Articles Populaires